Hier soir, le journal télévisé de 20h sur France 2 présente un sujet sur la 18ème circonscription de Paris. Angle d’attaque : les législatives donnent lieu à une multiplicité de candidatures plus ou moins sérieuses. D’ailleurs, personne ne connaît les candidats. Ils n’ont pas l’air bien convaincants. Et surtout, comme « ils le reconnaissent eux-mêmes », les candidats des mouvements citoyens sont là… pour récolter des financements publics. Messages tronqués, interviews coupées, montage très rapide : pas de doutes à avoir, le propos des journalistes de France Télévision suit une logique, démontre à toute force que les « petits candidats » doivent être regardés de haut.

Ce qui nous indigne ici, c’est d’abord l’affront fait à Fatou Tall, notre candidate dans cette circonscription, à laquelle la journaliste de France 2 a posé cinq fois la même question sur le financement des partis, pour n’en retenir qu’un membre de phrase qui affirme qu’il y a bien, en effet, « un enjeu pour tous les partis » à essayer d’accomplir un score qui leur permette de rembourser leur campagne.

Ce qui nous scandalise, plus généralement, c’est la condescendance à peine voilée pour ces militants qui n’ont que leur bonne volonté, quelques tracts et quelques centaines d’euros, engagés dans des combats sincères pour des idées qui valent la peine d’être entendues. Pour France 2, si l’on n’est pas membre d’un appareil partisan déjà installé dans le paysage, on n’a pas vraiment le droit d’être respecté.

Soyons factuels : les partis politiques récoltent des financements publics, à l’occasion des élections législatives, à partir du moment où leurs candidats ont atteint un score supérieur à 1% dans plus de 50 circonscriptions, dans 30 départements différents. Aucun problème pour LR, REM, le PS (encore que…) : ils seront très richement dotés l’an prochain, grâce aux voix récoltées en juin. Mission quasi impossible pour les mouvements citoyens tels qu’A nous la démocratie !, en revanche. Seul moyen de parvenir à dépasser cette barrière à l’entrée, destinée à financer les grosses machines électorales : se regrouper avec d’autres mouvements, tout aussi pauvres pour l’instant, mais déterminés à faire entrer des citoyens ordinaires à l’assemblée pour la renouveler de l’intérieur. C’est ce que nous avons fait en participant à la création de la caisse claire, un regroupement administratif de mouvements citoyens. Aurons-nous des scores supérieurs à 1% dans 50 circonscriptions ? Peut-être. Récolterons-nous quelques financements de partis ? C’est possible. Mais pour l’instant, ce sont les vieux appareils partisans qui raflent la mise, et présentent des candidats dont ils savent qu’ils ne gagneront jamais une élection, simplement pour faire augmenter leurs financements électoraux.

La méconnaissance de ces faits est sans doute le fruit de l’ignorance des journalistes incriminés. C’est l’hypothèse la moins grave. Car s’ils connaissent effectivement le fond de l’affaire, accuser Fatou Tall, et ANLD! à sa suite, de ne présenter des candidatures que pour récolter des fonds publics, c’est un procédé de pure propagande. Propager ce genre d’insinuations sur les mouvements citoyens, c’est le même procédé que celui qui accuse les chômeurs de frauder les allocations, plutôt que de s’intéresser à l’évasion fiscale des grandes fortunes.

Et d’ailleurs, que feront les mouvements citoyens de la caisse claire des fonds publics qu’ils auront (peut-être) récoltés ? Ces financements permettront aux initiatives citoyennes comme ANLD! de défendre et de faire vivre des pratiques politiques que les professionnels de la vie politique refusent : référendum d’initiative populaire, sénat tiré au sort, mandat collaboratif des élus avec leurs concitoyens, etc.

Le reportage de France 2 visait manifestement à faire sourire aux dépens des petits candidats, voire à les acculer à « reconnaître » (ce qu’affirme la journaliste sans aucun fondement) qu’ils ne sont là que pour s’en mettre plein les poches. Les faits sont pourtant têtus : faire campagne pour un mouvement citoyen, cela coûte quelques centaines d’euros, parfois quelques milliers, et ça ne rapporte rien, pour l’instant. Un peu de respect et d’équité à l’égard du pluralisme démocratique, c’est manifestement trop demander, même au service public. C’est fort dommage : nous voilà obligés de saisir le médiateur de France Télévisions, qui ne nous a pas répondu à ce jour, d’ailleurs. Les électeurs méritent pourtant mieux que des insinuations.

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