Le 4 septembre dernier, les Chilien.ne.s votaient massivement « Non » au référendum qui leur était proposé, mettant ainsi fin, provisoirement, à l’espoir suscité par ce processus référendaire. Il fait suite au grand mouvement social contre la vie chère de 2019, marqué par de violents affrontements entre manifestant.e.s et forces de l’ordre lors de manifestations qui ont paralysé le pays. Le précédent Président chilien, Sebastián Piñera, un conservateur, avait dû céder et accepter d’organiser une convention citoyenne constitutionnelle, l’une des revendications des manifestant.e.s qui voulaient ainsi en finir avec l’héritage de la dictature militaire de Pinochet. Des élections ont alors lieu pour faire élire 155 représentant.e.s dans tout le pays. La plupart des élu.e.s étaient des citoyen.ne.s engagé.e.s à l’extérieur des partis, le droite conservatrice étant pour sa part laminée et quasiment exclue de l’assemblée.
Après une année de travail et de polémiques en tous genres, cette convention citoyenne a présenté son nouveau projet de constitution aux Chilien.ne.s. Dans les 378 articles du texte, la nature et l’environnement occupent une place fondamentale, une grande avancée dans un pays où la protection de l’environnent passe bien après les contingences économiques. Dans ce pays d’Amérique latine où les inégalités sont les plus importantes du continent, la justice sociale et la reconnaissance des peuples autochtones étaient très présentes également. C’est d’ailleurs surtout la question des « indigènes » chiliens qui va diviser l’opinion et faire basculer le vote vers le « Non » (Rechazo).
Présent.e.s au Chili pendant la campagne référendaire, Fanny Bénard, maire-adjointe du 18e arrondissement de Paris, élue À nous la démocratie ! et Benjamin Mathieu, journaliste et membre du mouvement, ont rencontré de très nombreux acteur.ice.s, partisan.e.s du « Oui » (Apruebo) et du « Non », afin de mieux analyser ce passionnant moment démocratique.
Voici la retranscription de leur recontre avec Alondra Carillon Vidal, porte-parole du mouvement Coordinadora Feminista 8M au Chili, membre de l’assemblée citoyenne chargée d’élaborer la nouvelle constitution chilienne, très engagée en faveur du « Oui », rencontré la veille du vote à Santiago.

Benjamin Mathieu : Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Je m’appelle Alondra Carillon Vidal, je suis porte-parole du mouvement Coordinadora Feminista 8M au Chili, et j’ai aussi été membre de l’assemblée citoyenne chargée d’élaborer la nouvelle constitution chilienne.
Je suis psychiatre de profession, et avant la mise en marche du processus constituant j’exerçais dans une clinique. Je suivais aussi un master de philosophie politique.
Pendant un an vous avez stoppé votre activité professionnelle pour participer à l’assemblée constituante ? Comment est-ce que vous avez été recrutée ?
Je n’ai en fait pas été recrutée, j’étais membre d’une organisation en pleine réflexion à propos de ce qu’on devrait faire, notre rôle à jouer face à ce processus institutionnel. J’ai fait partie du déroulement d’un long processus de débat et de réflexion sur les méthodes à adopter face à ce processus institutionnel de renouvellement de la constitution, parce que je suis membre d’une coordination féministe qui défend son autonomie face au gouvernement.
Donc on a eu un très long débat et on a finalement décidé que notre voix, la voix qu’on s’est construit à travers nos luttes, à travers l’organisation de la grève générale féministe au Chili du 8 mars (8M), était une voix qui se devait d’être présente dans l’arène politique. Après avoir décidé ça, on a décidé d’établir des connections avec d’autres organisations de mouvements sociaux qui avaient des visions similaires aux nôtres, et donc on a décidé que cinq de nos camarades se verraient assigné la tâche d’être candidats et on a construit des listes indépendantes afin de participer aux élections. Je vis dans une circonscription électorale en périphérie de Santiago), composée de quartiers habités par la classe populaire qui a participé de manière importante aux manifestations populaires qui ont éclaté en octobre 2019. Ils s’étaient déjà réunis en assemblées locales et voulaient aussi construire des listes électorales. On s’est donc regroupés pour incarner l’alternative d’une auto-représentation du mouvement social chilien au sein du processus constituant, et j’ai été choisie comme candidate et il se trouve que j’ai remportée l’élection dans ma circonscription, ce qui n’a malheureusement pas été le cas pour les autres membres de ma liste sur le district. Mais nombre d’autres candidats du mouvement social ont été élus, et de nombreuses personnes comme moi ont pu faire partie de l’assemblée constituante.
Donc pour faire parti de ce processus, il fallait être élu ?
Oui. C’était une des caractéristiques du processus constituant qui le rendait démocratique. Avant que les élections débutent, j’étais déjà membre et porte-parole du mouvement Coordinadora Feminista 8M, c’est pour ça que j’ai été choisie par mes camarades pour être candidate, mais ensuite j’ai dû me faire élire par les autres citoyens, mes voisins, et j’ai été élue avec un nombre élevé de voix.
Fanny Bénard : C’est intéressant que vous soyez initialement extérieures au système politique et que, bien que votre mouvement soit très clair quant à l’importance qu’il accorde à son indépendance, vous ayez accepté de suivre ses règles. J’ai récemment suivi un programme de 6 mois (l’Académie des Futurs Leaders) avec des activistes qui justement se questionnaient à propos d’entrer ou non dans le système politique, qui se demandent s’il faut y entrer, l’infiltrer pour le changer de l’intérieur ou s’il faut y rester extérieur pour mieux le combattre. Est-ce que c’est le fait que ce soit un moment démocratique, ou du moins qui se veut, a priori, sincèrement démocratique, le fait que les participants soient élus, qui fait que vous ayez consenti à y prendre part ? Ou bien il y avait une part de curiosité qui vous donnait envie de jeter un coup d’œil à l’intérieur du processus constituant ?
Nous avons identifié ce moment constituant comme extraordinaire, très lointain de ce qui compose traditionnellement la vie institutionnelle chilienne. C’est un processus spécial de renouveau constitutionnel, qui suit un cadre temporel défini, avec un début et une fin. Aussi, il ne s’agit pas d’administrer le pouvoir mais de réécrire les règles générales de notre société, de lui donner une nouvelle structure. C’est ce qui nous a menés à y prendre part. Maintenant, il faut qu’on discute de ce qu’on va faire après, une fois la constitution rédigée et approuvée, débloquant de tout nouveaux horizons mais aussi de nombreux défis et nouvelles missions pour le mouvement social chilien. Rédiger la constitution c’est une chose, mais l’implémenter en est une autre.
Fanny : C’est sûr, et il faudra réécrire les lois en accord avec la nouvelle constitution si elle est votée.
Oui tout à fait, les lois, les politiques publiques, il faudra s’assurer que les nouveaux droits énoncés par la constitution et la nouvelle distribution des pouvoirs existent réellement et qu’il ne s’agisse pas d’une autre jolie déclaration.
Benjamin : Vous pourriez nous décrire l’atmosphère durant cette année de travail ? Est-ce que c’était plaisant ? Pénible ? Conflictuel ?
C’était très intense, c’était dur, ça ne s’est pas fait facilement. On avait forcé la classe politique à lancer ce processus constituant et à l’ouvrir à d’autres acteurs, et évidemment ils n’y étaient pas favorables. Ils ne s’attendaient pas ce que l’assemblée constituante soit composée comme elle l’était, et nous non plus d’ailleurs. Nous étions si nombreux à faire partie de sections de la société qui n’avaient jamais été intégrées, n’avaient jamais participé au débat politique, encore moins au niveau national. Aussi, parce que le processus constituant a été lancé dans un contexte de répression politique, de pressions politiques et de violations des droits de l’homme, laissées impunies par la justice à ce jour, il y avait beaucoup de tensions. L’assemblée n’était pas préservée, isolée de ces tensions sociales, et on devait y faire face, les gérer. Et on parle de tensions récentes mais aussi et surtout de tensions accumulées au fil des décennies. On a dû être capables de construire des majorités pour chacune des étapes de la rédaction de cette constitution, qui demandaient systématiquement une majorité qualifiée de 2/3 des constituants. On a dû discuter et réfléchir ensemble, avec des gens de provenances sociales et professionnelles très hétéroclites, avec des rapports très différents au système qu’on était en train de démanteler, avec certains qui avaient bénéficié de ce système toute leur vie tandis que la vaste majorité pas du tout. Ça n’a pas rendu facile les négociations, c’était un défi énorme de trouver un langage commun pour dire ce qu’on avait à dire d’une manière qui nous permettrait de rétablir les droits dont nous avions été spoliés par la dictature, et qui nous permettrait de renouveler la démocratie au Chili, que nous n’avons jusqu’alors connu que sous une forme limitée, autoritaire et qui ne prenait pas en considération la volonté du peuple. On a dû trouver une vision commune de la réhabilitation de la démocratie.
Fanny : Il y avait aussi des acteurs politiques dans l’assemblée, des gens qui ont l’habitude de naviguer ce milieu, de négocier, de s’exprimer en public, et vous ne l’étiez pas, enfin vous Alondra si, puisque vous étiez déjà porte-parole et activiste du CF8M, mais ça a dû être d’autant plus difficile à cause de ça et pourtant c’est un succès pour nos regards extérieures à l’assemblée constituante et au Chili. En France, quand on lit cette nouvelle constitution, on y voit une énorme avancée quant aux droits du peuple, de la Nature, des femmes. C’est une constitution très sociale et très ouverte d’esprit, alors qu’il y avait des politiciens conservateurs et des citoyens d’extrême droite au sein de l’assemblée. Vous considérez ça comme un succès, ou bien selon vous il aurait fallu aller plus loin ?
La droite ne constituait qu’une minorité au sein de l’assemblait, et donc elle n’avait pas les moyens de poser son veto, ce qui a eu un effet déterminant sur les négociations, ces membres ne pouvant pas imposer les sujets de discussion. Le champ était donc libre pour enrichir la nouvelle constitution, sans le risque historique de voir la droite de l’assemblée poser son veto. Les membres de l’assemblée issus de la droite étaient plus que mécontents de ne plus pouvoir établir l’ordre du jour. C’est ce qui a permis que cette constitution soit si progressiste au final mais ça n’a pas été facile. J’ai fait partie de la commission qui discutait du système politique et ça a été très dur, puisqu’on devait réécrire une nouvelle constitution en partant de rien. Nous n’étions plus obligés de respecter les traditions de la dictature, ce nouveau procédé démocratique nous permettait de repenser le pouvoir politique, sa distribution, sa construction, il y avait une véritable dynamique d’expression de la volonté populaire au sein de l’assemblée constituante, et certaines des parties présentes à l’assemblée, qui étaient extérieures à cette dynamique, détestaient vraiment que cette conversation autour de la structuration politique chilienne ait été lancée. Si on décidait, par exemple, que le Sénat était une institution qui ne fonctionnait pas dans la démocratie qu’on voulait instaurer, ça voulait dire qu’il devait et allait disparaitre. Ça a évidemment créé des tensions puisque les personnes qui bénéficiaient du système politique actuel voulaient maintenir leur pouvoir, leurs positions, leurs carrières et privilèges qui en découlaient. Pour certains, être des rouages de ce système était tout ce qu’ils savaient faire. Et les tentatives des puissants de préserver le régime chilien tel quel n’ont pas offert un beau spectacle ; ils ont utilisé tout leur pouvoir, leur pouvoir médiatique, pour tenter de stopper le travail de l’assemblée, pour rendre impossible que cette discussion démocratique aboutisse, parce que nous n’étions simplement pas les bienvenus, nous n’avions pas été invités à cette table, ils n’avaient jamais voulu de notre présence dans l’arène décisionnelle. Une fois que la constitution a fini d’être rédigée, ils ont dû admettre que la constitution était convenable, et qu’ils étaient obligés de l’accepter telle quelle, tout en disant qu’ils la modifieraient plus tard, parce que nous, la gauche, avions fait quelque chose d’hideux au pays, dont ils ne voulaient pas.
Benjamin : Pouvez-vous nous donner des exemples de tentatives de mise sous pression, d’intimidation durant cette année de travail ?
Je n’en ai personnellement pas subi, mais la commission, les militants… On avait cette commission, qui avait un peu plus de membres de droite, et qui devait donc à chaque fois s’entendre afin de valider chaque étape de son travail. Donc par exemple nous allions nous élaborer un système et ses normes et nous mettre d’accord sur un compromis, personne n’était ravi du résultat, mais c’était mieux que ce qu’il y avait avant et ça satisfaisait les différentes opinions réunies autour de la table. Mais une fois que le moment était venu de voter la décision, les conservateurs votaient contre et il fallait tout reprendre depuis le début. On a dû faire ça pour 100 articles de la constitution, et ils n’en ont voté que 3, en disant que les 97 autres devaient être améliorés, qu’il fallait à nouveau se réunir et les renégocier, mais à chaque fois ils trouvaient de nouveaux défauts au produit. Ça nous a fait perdre beaucoup de temps, et ils le savaient, donc ils ont dit « Nous savons qu’il ne vous reste presque plus de temps, alors soit vous prenez ce qu’on vous donne ou bien vous ne prenez rien et cette constitution se retrouve sans système politique, telle une simple déclaration de droits, et c’est le Congrès qui prendra la main et on s’occupera de rédiger cette partie. On va attendre jusqu’à ce que vous soyez obligés de dire oui. ».
Fanny : C’est qu’il s’est passé finalement ?
Ça ne s’est pas terminé comme ça parce qu’on s’est battu pour. *rires*
Parce que ce que j’ai lu était très démocratique finalement, ça peut toujours être mieux avec les questions démocratiques mais là c’était très bien.
Oui, ça ne s’est pas terminé si mal parce qu’on n’a pas laissé ça arriver, on a négocié pour aboutir à une entente et on a tenu nos positions. Les conservateurs disait qu’on avait tort, qu’on était radicaux et qu’on ne comprenait pas le processus constituant, et tout le monde était disposé à les écouter, à dire que comme nous n’avions pas d’expérience politique, nous sabotions ce processus, et qu’on n’aurait jamais dû faire partie de l’assemblée constituante en premier lieu. C’est ce qu’ils disent encore d’ailleurs. Ils disent dans la presse que le principal problème avec cette nouvelle constitution, c’est les gens qui l’on écrite. Bref, on a négocié et on est arrivés à une entente, en espérant que les conservateurs la respecteraient et que la constitution aurait finalement un système politique pour l’établir, étant donné que sans ça ça ne serait pas une réelle constitution et que le Congrès, qui n’attendait que ça, se chargerait d’en élaborer une, ce que nous voulions éviter à tout prix.
Benjamin : Demain c’est le grand jour, l’aboutissement de cette année et plus de travail, vous êtes optimiste quant au résultat du vote ? Si Rechazo gagne, que ferez-vous ?
Je pense que le peuple chilien a pris sa décision il y a longtemps, et que tout ce qui est arrivé ensuite a eu lieu parce que le peuple s’est mobilisé pour que cette décision se déroule et se manifeste. Les inégalités au Chili sont très violentes. Ils ont tout, les médias, l’argent, le pouvoir politique, et nous n’avons que ce que nous avons construit au fil des années. Ils mentaient au peuple tous les jours, d’une manière très cruelle. Ils ont dit à ces gens très pauvres qu’à cause de cette constitution qu’on élaborait, ils perdraient leurs maisons, et tout le monde a entendu cette information, sans pouvoir lire la constitution elle-même pour se rendre compte que c’était faux. Ils ne voulaient pas qu’on diffuse la constitution, ils sont allés jusqu’à dire que l’imprimer pour la distribuer ne serait pas écologique et qu’il ne fallait donc pas le faire. Tout a été fait pour nous entraver dans notre tâche, et ça a été très compliqué de toucher le peuple et de leur montrer nos travaux. Malgré tout, je pense qu’on va gagner.
Benjamin : On a traversé le pays, pas tout le pays mais pas mal d’endroits, et on a vu beaucoup de bannières et de drapeaux « Apruebo », on a rencontré beaucoup de gens pour ce podcast et ils étaient pratiquement tous pour cette constitution. Peut-être qu’on n’a pas rencontré les bonnes personnes pour entendre des partisans du « Rechazo » mais on a vu beaucoup de monde, c’est peut-être un signe ?
Je pense que c’est assez représentatif de la situation mais on sait désormais que les mensonges et la tromperie peuvent gagner, comme on l’a vu se produire en Colombie, au Royaume Uni, ça a déjà balayé des processus d’organisation et de politisation très longs ? Quelque chose comme ça n’est pas à exclure pour le Chili. Et si ça arrive, on aura tout de même une constitution solide, qui nous servira de base pour nos luttes futures, de programme politique.
Fanny : Ce processus, et cette constitution, et la manière dont vous avez négocié et combattu le système politique en place, est-ce que ça vous a donné envie de faire partie du système politique, de remplacer les dirigeants actuels, en se disant « Ok, j’ai plus envie que ces gens décident pour moi » ? Quand je me suis présenté aux élections municipales en France, c’est ce que je m’étais, dit, que je ne voulais plus que ces personnes me représentent, et qu’en attendant de trouver mieux, j’allais prendre leur place et œuvrer pour le renouvellement démocratique. Ça s’est passé comment dans votre esprit ? C’est si frustrant de voir les décideurs diriger le pays en servant leurs intérêts plutôt que ceux du peuple, ça me rend dingue.
Je pense que c’est un travail sans fin, que je mènerai toute ma vie, parce que ça lui donne du sens. On m’a souvent posé cette question, du fait de mes fonctions, de ma visibilité et de la chance que j’ai d’avoir une voix qui peut être entendue, ce que de nombreuses autres personnes n’ont pas, ce sont de réels privilèges. Mais pour moi, ça n’a pas été si personnel, si j’ai fini par prendre part à des élections et à des processus de décision, c’est plutôt parce que je faisais partie d’un mouvement, un mouvement social, et donc c’est parce qu’on a d’abord décidé de ça ensemble. Et on a besoin d’être nombreux, de se former, de s’éduquer et de mettre au point des stratégies et des objectifs pour le futur. On a des certitudes quant à l’avenir, quant à l’implémentation de la constitution, et on ne se laissera pas faire, on doit construire les outils démocratiques pour ça et les espaces politiques pour en entamer ce type de processus collectifs de pensée, et c’est vraiment pas simple.
Fanny : Je ne sais pas si vous avez étudié les techniques de community organizing états-uniennes, mais ce dont vous parler y ressemble, c’est ce que vous faites, rassembler des gens autour d’une cause, tisser des liens, trouver ce qui les pousse à prendre part à ces mouvements, ce qu’ils y cherchent. C’est ce que vous faites, créer ces espaces dans lesquels les gens peuvent se rencontrer et discuter, trouver et créer la force de se battre pour une cause.
Je vais vous donner quelque chose. C’est le livre de la Grève générale féministe et c’est rempli de documentation sur les procédés de community organizing qu’on a utilisé pour organiser cette grève dans un pays qui l’interdit. C’est illégal pour les travailleurs du public de faire grève au Chili, et même dans le privé il n’est possible de faire grève qu’une fois tous les 4 ans, donc 97% de nos grèves sont illégales.
*Rires*
Fanny : Tandis qu’en France on fait la grève tous les ans pour tout…
Oui, c’est complètement différent ici, on doit commencer les préparations un an en avance pour préparer et déployer une grève. Le livre décrit tout le travail derrière cette grève et a été écrit par les personnes qui l’ont organisée et faite.
Benjamin : Une dernière question, est-ce que vous avez l’impression d’avoir attiré des regards extérieurs ? Des gens d’autres pays qui vous suivent vous et vos actions ? En France par exemple vous êtes suivie par la plupart des partis politiques intéressés par les questions démocratiques, est-ce que c’est quelque chose que vous sentez ?
On le sait, parce qu’on sait ce qu’on a fait, notamment pour les femmes, parce que cette constitution est emplie de féminisme, c’est quelque chose de présent du début à la fin de la nouvelle constitution. Nous savons ce que nous avons réalisé, et si nous gagnons demain, ce qu’on a fait pour remodeler la démocratie, ça sera une avancée ineffaçable pour les femmes au Chili et dans le monde. On le sait par les liens qu’on a tissés avec des organisations féministes autour du globe, en Italie, en Espagne, en Pologne, aux Etats-Unis, au Brésil… On le sait parce qu’on se bat pour nous toutes.
Fanny : Notre constitution a été écrite par des hommes dans les années 50 et même si elle édicte que les femmes et les hommes sont égaux, on sait et on voit que ça n’est pas le cas en France. C’est si intéressant de voir que le mouvement social chilien, les féministes et les citoyens aient amené cette constitution, c’est énorme, c’est quelque chose qu’on ne peut pas effacer, c’est historique.
Oui, rien ne l’effacera, ça s’est produit.
Benjamin : Vous aurez les résultats du vote demain en fin de journée ?
Oui, à 19h, le décompte se fait rapidement.
B : Et vous serez-où ? Avec qui ?
À Dignity Square, au centre de la ville, avec tout le monde, là où les révoltes ont commencé.
B : Oh d’accord, on sera là aussi dans ce cas !
Oui, il faut que vous y soyez !
