
Le 19 avril 2021 est un jour important pour la démocratie plus directe : le conseil municipal de Nancy a voté à l’unanimité une constitution municipale élaborée par une assemblée de citoyens tirés au sort. Parmi les articles de cette constitution se trouve à l’article 32 un référendum d’initiative citoyenne à l’échelle locale (RIL) ! La réussite de ce processus inédit en France doit beaucoup aux efforts d’Annette Mathieu, élue A Nous la démocratie ! au conseil municipal.
Propos recueillis par Matthieu Niango
Bonjour Annette, peux-tu te présenter pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?
Je m’appelle Annette Mathieu et j’habite Nancy. Je suis retraitée de l’éducation nationale et j’ai également exercé la fonction d’orthophoniste. Je suis également très active dans diverses associations pour la citoyenneté et la laïcité. J’ai précisément rejoint A Nous la démocratie ! car l’exigence de participation citoyenne me tient particulièrement à cœur, ainsi que celle du dialogue entre élus et citoyens, si malmené ces dernières années. Je suis aujourd’hui conseillère municipale déléguée aux méthodes démocratiques.
Comment as-tu été élue à la mairie de Nancy ?
Ce sont les socialistes, emmenés par Mathieu Klein, qui ont remporté les élections à Nancy, en bénéficiant du soutien de la liste Nancy Ecologie Citoyenne, sur laquelle je me trouvais. Cette liste était le fruit d’une union réussie entre EELV, Générations, et A Nous la démocratie ! ce qui était un vrai défi ! La justice sociale, l’écologie et la démocratie participative nous ont permis de nous rejoindre dans une même démarche.
Tes premiers pas d’élue ont-ils été simples ?
Ça a été une plongée dans le grand bain ! Moi qui suis passionnée de lettres et de discours, j’ai d’abord été attentive à ce qui se disait, et je me suis rendue compte qu’on pouvait tout dire et son contraire, ce que je n’ignorais pas, mais ce n’est pas la même chose quand on le vit de l’intérieur… j’ai été frappée par le fait que certains politiques ne se soucient pas de répondre aux questions qu’on leur pose, ni de traiter les questions pour lesquelles on se réunit. Or je suis une femme très concrète. Je n’ai ni le goût des grandes envolées ni celui de l’affichage.
Parle nous de cette assemblée citoyenne que vous avez mise en place à Nancy.
C’est une idée que j’ai portée tout au long de la campagne et qui a fini par s’imposer, d’abord au sein de la liste NEC, puis dans le programme commun réalisé avec les socialistes. Je voulais qu’une constitution municipale précise les relations entre le conseil municipal, ultra souverain dans nos institutions, et les instances de participation locale ainsi que les citoyennes et citoyens de Nancy.
Pour ça, il fallait qu’une assemblée représentative de la ville dans sa diversité partage ses attentes et ses solutions en la matière. Accompagnée par Bora Yilmaz, adjoint à la vie de quartier, Laurent Watrin, adjoint à la démocratie coopérative, et moi-même, déléguée aux méthodes démocratiques, l’assemblée a siégé à partir de novembre et vient d’accoucher d’une constitution, qui a été votée lundi en conseil municipal à l’unanimité. C’est historique !
Comment l’assemblée a-t-elle était constituée ?
Les constituants et constituantes étaient au nombre de 130, âgés d’au moins 16 ans : 100 titulaires et 30 suppléants. 50% d’entre eux ont été tirés au sort sur des critères sociologiques, d’âge, etc. établis par un spécialiste du sujet. L’autre moitié d’entre eux a été établie sur la base d’engagés volontaires hors liste électorale. Au final, l’assemblée, qui compte un peu plus de femmes que d’hommes, reflète la diversité de la ville (cf. schémas au bas de l’article).
Le hic, et il n’est pas des moindres, c’est qu’ils ont été sélectionnés en partie à partir de la liste des votants (qui ne représentent que la moitié des habitants de la ville, soit environ 50 000 personnes). C’est pour cette raison que j’ai demandé à ce que du volontariat puisse un peu pondérer ce manque (des étrangers pouvaient ainsi y participer), mais il faudra trouver des moyens plus inclusifs à l’avenir.
Comment le travail s’est-il organisé ?
Il y a eu 29 réunions regroupées en quatre sessions. Pendant la première session, les constituants ont été invités à réfléchir sur leur conception de la démocratie locale. Lors de la deuxième session, les instances participatives existantes ont été auditionnées pour qu’elles nous donnent un aperçu de leur façon de fonctionner. Les troisième et quatrième sessions ont porté sur les ateliers de vie de quartier, le budget participatif, et les nouveaux outils et méthodes à mettre en place à Nancy, le tout ayant abouti à l’écriture d’une nouvelle constitution municipale.
Cela a-t-il été simple ?
Loin de là ! Je crois qu’il faut porter un regard lucide sur le processus afin d’en conserver les bons aspects et d’en corriger les manques pour la suite. D’abord, la pandémie a percuté notre assemblée, imposant la visioconférence après une première et unique réunion « en présentiel » en novembre. Certains participants ont eu des difficultés à suivre ces réunions derrière leur écran. Surtout, et nous tâcherons de faire mieux à l’avenir, l’essentiel des échanges s’est fait en groupe entier, et non en petits groupes. Cela a produit de la déception et de la frustration chez beaucoup de participants qui ont eu le sentiment que leur parole n’était pas assez entendue. Beaucoup ont quitté le processus en route. Même si le texte final reflète tout de même les préoccupations essentielles de participants, il faudra tirer toutes les leçons de ces retours, avec humilité et dans un esprit d’amélioration continue.
Quels sont les éléments les plus remarquables de cette constitution ?
Il y a d’abord le référendum d’initiative citoyenne, qui y fait son entrée à l’article 32 ! Une revendication portée par plus de 70 % des Français, et popularisée par les gilets jaunes s’applique ainsi à l’échelle locale à Nancy. C’est un progrès considérable dans le partage de la souveraineté entre élus et citoyens ordinaires. Chaque Nancéien va ainsi pouvoir soumettre à tous ses concitoyens un point d’amélioration nécessaire à ses yeux. Certes les conditions de saisine sont pour l’heure exigeantes (10% du corps électoral pour que la question portée par des citoyens soit soumise au vote du conseil municipal ou soumise à référendum, et le maire n’est pas contraint d’organiser un référendum, la loi ne permettant pas qu’on le lui impose) mais c’est un début très encourageant qui marque une vraie volonté de repenser les rapports entre les citoyens et leur ville. Le Maire de Nancy, Mathieu Klein, a pleinement soutenu la démarche. Je souhaite que des citoyennes et citoyens réunissent ces signatures sur un projet qui leur tienne à cœur afin d’enclencher cette dynamique nouvelle dont nos communes et notre pays ont tellement besoin.
Il y a aussi le fait que cette assemblée sera permanente, et renouvelée chaque année dans sa composition. Comptez sur moi pour faire en sorte qu’elle soit saisie aussi souvent que nécessaire ! Le conseil municipal ne doit plus être seul à décider de tout, tout le temps. C’est une excellente chose que chaque citoyen de Nancy puisse être appelé à siéger dans une instance comme celle-ci un jour. En particulier, cette assemblée va suivre la mise en application des budgets participatifs.
Fort des enseignements de cette première expérience, je suis convaincue que nous parviendrons à faire de cette assemblée citoyenne, dont je voudrais qu’elle soit un véritable observatoire de la vie démocratique locale, une instance qui améliorera la participation des citoyennes et citoyens, et contribuera, certes à son échelle, à répondre à la crise démocratique profonde que traverse notre pays.
Pour aller + loin
Découvrir la répartition socio-démographique de l’assemblée citoyenne
Je ne suis pas certain qu’il faille être aussi enthousiaste, j’ai participé à cette assemblée assidûment (comme une quarantaine d’autres constituants qui sont restés jusqu’au bout) avec motivation, beaucoup de travail, de lectures, de contributions et une participation sans faille. Je suis personnellement plus que déçu par ce récit citoyen municipal qui nous est maintenant livré et qui ne correspond pas du tout à ce qu’ont vécu la plupart des constituants. Aucune autonomie n’a été ni accordée ni facilitée à cette assemblée et la contrainte de la visio ne saurait être une excuse pour masquer un processus encadré, guidé et piloté en dépit d’un minimum de respect des participants. Un seul exemple: le vote du 5 mars dont se réclame aujourd’hui la Constitution, concerne en fait un texte primitif dont la diffusion nous a été refusée (en raison des risques de fuites de la part des constituants… au passage, quelle confiance !!). En réalité, la Constitution finale diffusée est un texte amendé et « euphémisé » ensuite pour, nous a t-on dit, « le protéger d’une censure préfectorale » (??) . Elle n’a en fait pas été votée . Pire, la simple mention de cette entorse à la démocratie (qualifiée depuis en privé de « connerie » par l’un des élus) a provoqué en assemblée un incident notable avec un autre , peu enclin à accepter la remarque de la part d’un constituant/citoyen… Oui, l’initiative promettait des espoirs de partage de la démocratie municipale dont mon engagement à gauche depuis 1974 s’est saisi avec ambition et exigence. Régulièrement et avec sincérité, des membres de l’Assemblée m’en ont rendu acte chaleureusement et encouragé à poursuivre. De mon enthousiasme initial et de mon engagement ne me reste que l’impression d’avoir participé à une opération de communication dont le récit visiblement était écrit à l’avance. J’étais prêt à accepter que cette tentative ne soit qu’une première étape et j’étais prêt à verser à cette expérience le bénéfice de son existence à défaut de son succès si j’avais ressenti autour de sa conclusion le minimum d’honnêteté intellectuelle que l’enjeu et notre Démocratie méritent. A mon grand regret, cette honnêteté intellectuelle a fait défaut. Je me réjouis cependant, si les propos qui m’ont été rapportés sont exacts, de constater que l’élue interviewée ait exprimé , en privé bien sûr, sa déception face aux faibles résultats des propositions concernant les nouveaux outils de la démocratie participative….je partage cette déception et je peux lui certifier que cette assemblée disposait d’une capacité d’innovation inouïe qui malheureusement n’aura trouvée son expression que dans les échanges de mail entre quelques constituants hors séquences imposées.
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