« Il faut donc que tout change pour que rien de change ». La Cinquième République est arrivée aujourd’hui au bout de sa logique et le Général de Gaulle a gagné post mortem son combat contre les partis. Les candidats qui se réclament du nouveau président sans aucune autre allégeance, semblent détenir les clefs du prochain scrutin législatif. « Donner une majorité au Président » réinstalle l’esprit de la 5ème république, alors que depuis quelque temps, beaucoup commençaient de militer pour une 6ème république.

Tous ces candidats du président, de quoi sont-ils le nom ? Ils sont libéraux, ultra-libéraux diront certains, sans doute, mais pas seulement. On peut toutefois légitimement imaginer qu’un autre ciment agrège tous ces prétendants à la députation du mouvement REM : la verticalité du pouvoir, la figure du chef. Fini alors pour le moment le rêve d’une république plus décentralisée, d’une société plus participative. En ce sens Emmanuel Macron est non seulement l’héritier de ce Gaullisme, quoique lointain ; mais aussi de cette gauche jacobine qui se satisfait complètement de la centralité du pouvoir de la 5ème République, de sa verticalité

Néanmoins, en clamant haut et fort qu’il voulait un gouvernement de personnalités, il donne aussi satisfaction aux tenants de cette deuxième gauche qui mettait en avant le rôle prééminent des experts de la société civile. Cette tendance directement venue de mai 68, de la CFDT, notamment, qui se déclare opposée à la seule force de l’Etat central, est cependant aujourd’hui bien encadrée par la prééminence de plus en plus visible de l’aristocratie méritocratique des hauts fonctionnaires qui règne sans partage au sein des cabinets, à la Présidence de la république et à Matignon

Le champ de cette adhésion est donc large et remplit alors un spectre politique inédit. Cette situation se double d’une singulière pauvreté des déterminants du choix politique puisque le théorème de Schmitt (amis, ennemis) bat son plein : on est avec ou contre le Président et la vraie question n’est plus quelle type de société on souhaite, mais plutôt : accepte-t-on la main tendue ou non ? tendance qui est d’ailleurs amplifiée par les réseaux sociaux qui en simplifiant, caricaturent

L’effet TINA (there is no alternative) thatchérien devient de surcroît dominant. Le débat existe alors, mais seulement entre ceux qui sont d’accords avec l’idéologie dominante de la voie unique. Les autres, qui n’ont pas suivi le « mouvement en marche », sont priés de ne plus jouer dans la cour de récréation des grands, mais se trouvent marginalisés « aux deux bouts de l’omelette » . Le « dégagisme », mouvement qui consiste à sortir tous ceux qui de près ou de loin ont cautionné les vieux clivages partisans, devient alors la règle. La lutte des places ayant remplacé la lutte des classes, l’action politique est tout entier tournée vers la préférence du turn over des hommes, plutôt que celui des idées et de la conception de la société.

Au nom de quoi, tout ceci est réalisé ? De quelle idéologie s’agit-il ?

En réalité c’est assez « flou », et il pourrait donc y « avoir un loup » ! Il se situerait alors au travers de l’allégeance au nouveau Président et par sa volonté affirmée d’être « positif » et antidépressif. Mais cette résilience ne touche pas tous les citoyens de la même façon. En effet, comment se mettre en marche, sortir de la crise, quand on n’est pas citadins des centres de grandes villes, et qu’on a coupé une grande partie des liens qui sous-tendaient l’échange entre villes et campagnes. Comment « penser positif » quand un nombre croissant de citoyens est touché par la précarité dû au « chômage faute d’emploi » qui persiste, clivant de plus en plus la société entre insiders et outsider : l’analyse de l’origine sociale des nouveaux candidats aux prochaines législatives montre bien cette tendance endogame.

La nouvelle période qui s’annonce se développe donc comme une époque de dépolitisations par le biais d’un capitalisme libéral, sous l’égide des grands ensembles mondialistes du type Union européenne. Ce processus de soi-disant neutralisation progressive des idéologies où ce qu’on fait a moins d’importance que comment on le réalise, où la gestion de l’Etat se confond avec celle des entreprises, permet à ceux qui savent, les experts administratifs et professionnels, de prendre la tête de ce « grand bond en avant ».

Il semble urgent de donner un sens « au changement d’ère », pour reprendre le slogan d’un des soutiens du nouveau Président, Bertrand Delanoë, lors de sa campagne pour gagner la mairie de Paris en 2001, autre que de laisser les nombres et l’économie nous gouverner.

Face à la baisse tendancielle du taux d’emplois constatée aujourd’hui et donc à la précarisation massive de nos sociétés, il est grand temps de re-politiser le débat et de poser la question de la fin de l’emploi comme lien social prééminent dans notre société. « Et droite et gauche », voilà un substrat idéologique qui pourrait nourrir à la fois la question sociale européenne et la volonté de dé-précariser la société, et ceci aussi bien chez les Libéraux, partisans de la financiarisation de nos sociétés et du recul du rôle de la bureaucratie archaïque, que chez les keynésiens en manque d’une croissance perdue et animés d’une vision plus collective de la société.

En réalité, « et droite et gauche », c’est aussi non seulement revoir le rapport entre les politiciens professionnels et les citoyens, mais c’est aussi œuvrer pour ce consensus pacifique de dé-précarisation qui passe par la création d’un revenu de base, bouleversement et stabilisation de la société en tout point semblable à la création de la sécurité sociale d’après la deuxième guerre.

En dehors de la « dé-précarisation » de notre société et de la possibilité de résoudre par le haut le problème du « chômage faute d’emploi », la création de ce revenu permettrait de penser la société différemment. De plus, il pourrait être enfin l’élément tant attendu de la construction de l’Europe sociale dans la mesure où ce revenu constituerait une initiative européenne dont la France serait leader.

Plutôt que de réformer à la hussarde et de façon répressive un code du travail qui est déjà malmené, il semble opportun de travailler sur ce revenu avec les autres pays d’Europe notamment l’Allemagne, et l’ensemble des pays scandinaves, où il constitue déjà une ébauche de solution face à des situations pénibles, durables, parfois héréditaires, comme le chômage des jeunes non qualifiés ou la dépendance excessive de certaines strates de la population envers les aides publiques. Il pourrait surtout édifier une réelle avancée par rapport aux ravages réels ou symboliques face à la mondialisation, abandon de la capacité politique des entités étatiques ; ou à l’opposé au nationalisme, synonyme de fermeture au monde.

Lancer toutes les forces de la raison, dans l’Europe entière, à l’assaut d’un nouveau type de société, pour redonner à l’individu toute sa capacité de création personnelle et collective afin d’annihiler les tentatives de guerre de tous contre tous, constituerait un challenge européen positif et réellement anti dépressif. Il s’agit alors de repenser l’Europe sociale, aujourd’hui absente de la réalité politique. La discussion doit s’engager dès aujourd’hui sous l’impulsion du nouveau gouvernement « et droite et gauche ». Cela constituerait aussi un débat national replacé dans le cadre de l’Europe, faisant la part belle aux moyens à mettre ne œuvre pour supprimer les aides sociales aujourd’hui discriminantes, participant à la fin de la cassure sociale entre les Insiders et Outsiders. Les ressources publiques ainsi dégagées pourraient s’avérer suffisantes pour financer en grande partie cette nouvelle sécurisation sociétale. Mais plus encore, on pourrait aussi alléger la bureaucratie qui actuellement gère les aides sociales et qui n’aurait plus raison d’être : avec l’automaticité de ce revenu, plus « d’effet guichet ».

Le financement d’une telle mesure à hauteur de 600 milliards d’euros (montant actuel des aides sociales versées aujourd’hui en France) implique d’abord non seulement de réorienter les dépenses de protection sociale existantes, mais aussi de trouver d’autres sources de financement, notamment la fameuse taxe sur les transactions commerciales et financières en Europe, qui a mystérieusement disparue des agendas.

Complément indispensable d’une vision transversale de la politique et modernisant l’action publique grâce à une nouvelle participation des citoyens, le fonctionnement enfin démocratique de notre pays et plus largement de l’Europe pourrait recueillir l’assentiment de tous, faute de quoi un grand nombre de reflexes de repliement identitaire favorisera encore plus l’émergence de forces populistes et antidémocratiques contraires à nos objectifs.

En réalité, au-delà du revenu d’existence (de quelque façon qu’on le nomme), il s’agit de sortir du dilemme qui oppose nationalisme populiste et Europe bureaucratique pour enfin refaire naitre un espace politique enfin démocratique à l’échelle d’un espace ouvert à forte dominante sociale. Et si c’était ça l’enjeu du prochain quinquennat !

Yves Zoberman, symphatisant d’A Nous La Démocratie!

 

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