
Trump met des immigrés dehors, Trump autorise la construction de l’oléoduc du Misssouri, Trump fait construire un grand mur… C’est dommage qu’il ait fallu qu’un homme d’affaires beauf et semi-dément s’empare du pouvoir suprême pour qu’on prenne bien conscience des méfaits consubstantiels au système présidentiel. Cool et mainstream, mais patricien quoique métis, Obama, au-delà du symbole d’immense portée de son élection, n’aura agi qu’assez mollement contre les inégalités socio-raciales qui minent la promesse démocratique américaine. Que survienne un cinglé bien déterminé: on se rappelle alors dans la souffrance que la politique sert à quelque chose, qu’une signature en bas d’un papier officiel depuis un bureau lambrissé peut tout chambouler.
On ne peut conclure qu’il n’y a rien à faire contre le néo-libéralisme et la pression qu’il exerce sur les salaires ainsi que les délocalisations qu’il implique qu’à une seule condition: d’avoir vraiment essayé de s’y opposer, de s’être battu autant que possible, et d’avoir été vaincu. Ceux qui s’y sont sincèrement attelés sont toujours parvenus au pouvoir quand il était trop tard ou presque, comme dernier espoir avant le chaos: ce fut le cas en Grèce. Ils échouent alors parce que le pays est trop faible, non parce que le pouvoir politique doit toujours le céder aux revendications du pouvoir économique. Un gouvernement qui serait appelé aux responsabilités dès les signes avant-coureur de la curée néo-libérale, et qui aurait pour lui une force publique en bon état, serait vraiment en mesure de contribuer au progrès de l’égalité. A une condition toutefois essentielle: qu’il ait pour le soutenir toute la légitimité populaire, c’est-à-dire qu’il soit réellement démocratique, et à même d’assurer la participation du plus grand nombre à ses décisions.
Qu’on cesse donc de nous rabattre les oreilles sur le prétendu pouvoir occulte de l’argent qui déciderait tout dans son coin sans nous, ne nous laissant que nos yeux pour pleurnicher sur la dureté du sort. À ce complotisme savant, dénué de fondement factuel, il faut répondre que ce pouvoir s’affiche bien plutôt au grand air: c’est lui qui inspire les discours chiffrés assénés par les dirigeants politiques de tous bords pour justifier baisses de charge, baisses de salaire et concentration de la richesse entre les mains de ceux qui savent soi-disant mieux que nous quoi en faire.
Un espoir doit nous traverser à propos de ce qui se passe aux Etats-Unis : que la vie politique américaine réagisse vigoureusement à la folie de Trump, non pas en rappelant au pouvoir l’un ou l’autre de ses oligarques habituels—Clinton en tête, mais en refusant de confier à un seul, quel qu’il soit, le destin collectif de tout un pays. Souhaitons de ne pas avoir à en passer par là pour nous réveiller en France: si un fou arrive à faire n’importe quoi (et même quelquefois de bonnes choses), que fera donc un peuple conscient de sa puissance d’agir?
Tribune de Matthieu Niango publiée le 21 février 2017 sur le site du HuffingtonPost