http-%2f%2fo-aolcdn-com%2fhss%2fstorage%2fmidas%2fb94a230e188dbe32c616a59f828e6c1a%2f204883422%2fapp2002061924535_1Emploi fictif, népotisme assumé et même revendiqué, au mieux, justifications piteuses démontrant le peu de cas que certaines élites politiques font de l’intelligence des électeurs, mollesse des réactions en haut lieu manifestant une solidarité de classe : l’affaire Fillon est un petit concentré de la dérive oligarchique de notre démocratie. De manière plus fondamentale, elle est aussi, à l’examen, révélatrice de la manière dont la compétition électorale est gravement entravée par le fonctionnement même de nos institutions.

On a raison de considérer qu’un emploi fictif est un scandale. Raison également de vibrer d’indignation en voyant défiler depuis des jours sur nos écrans des responsables politiques pour expliquer qu’il n’est pas anormal d’engager, sur fonds publics, des membres de sa famille alors même que tant de femmes et d’hommes se plaignent de discrimination à l’embauche. Il y a pourtant plus grave encore : c’est qu’en l’absence de contrôle rigoureux de l’usage qui en est fait, de l’argent publique puisse servir à financer des postes ayant avant tout pour finalité la réélection et la promotion personnelle d’un élu.

C’est en effet ce que permet le statut d’assistant.e parlementaire depuis sa création en 1975. L’assistant.e est un.e salarié.e rattaché.e directement au député ou au sénateur « par un contrat de droit privé » (sic). Depuis 2002, les Parlementaires ont même obtenu que de l’opacité soit encore ajoutée à ce statut échappant déjà par construction au contrôle du Parlement en y ajoutant la possibilité de gérer directement le crédit de presque 10 000 euros par mois qui leur est alloué pour engager des gens à leur service. La puissance publique n’a donc guère de visibilité sur les activités réelles de ces assistant.es—ce que démontre bien l’affaire Fillon : si elle n’avait pas été lancée par une révélation sans doute venue de l’intérieur du cercle des proches de l’ancien Premier Ministre, nous aurions pu ne jamais savoir que l’épouse du Premier Ministre avait été assistante parlementaire.

Quand les choses sont honnêtement faites, l’assistant.e a certes d’abord pour fonction d’aider les élus dans leur tâche législative en tant qu’elle a trait à l’intérêt général. Il est fondamental que ceux-ci puissent disposer d’expertises leur permettant d’éclairer leurs prises de position dans les débats—c’est aussi, notons-le, la tâche des fonctionnaires des deux Assemblées, dont le niveau est excellent et la disponibilité très grande, quel que soit le parti de celle ou celui faisant appel à leurs services. Mais, échappant au contrôle de la puissance publique, l’assistant.e est également dévolu.e à la campagne permanente qu’un professionnel de la politique devra mener pour ses réélections successives—réélections qu’il doit souvent plus à son opiniâtreté à éliminer ses concurrents et à se constituer des clientèles locales qu’à ses qualités personnelles ou à sa défense acharnée du bien commun.

Une escouade de fidèles taillables et corvéables à merci, révocables d’un claquement de doigt, fréquemment trainés plus bas que terre, s’agite ainsi dans l’ombre. Souvent constituée de proches, de clients ou filles et fils de clients, de femmes et d’hommes prêts à tout pour servir leur Mentor, nombre d’entre eux aspirant à devenir eux-mêmes élus, cette troupe de mercenaires  est rémunérée par l’Etat, c’est-à-dire par nous tous, trop souvent simplement pour permettre à une personnalité politique d’occuper l’espace dans sa circo. Ces armées de soumis à rude épreuve—en attendant leur tour— transforment les fonctions politiques en bastion d’autant plus difficiles à prendre que les mandats accumulés par ce petit seigneur qu’est leur élu et Maître seront nombreux, démultipliant par-là les défenseurs de la place.      

Parallèlement, il existe même, au sein de certains cabinets ministériels, un poste méconnu du grand public: celui de conseiller aux « affaires réservées ». Sa fonction consiste à s’occuper des intérêts locaux et électoraux du ministre en son absence, alors même que toute fonction élective est occupée dans notre système en cas de vacance. Mais plus encore : chèrement payé là encore sur les deniers publics, il interviendra, depuis sa position désormais privilégiée de conseiller ministériel, pour aider les uns et les autres et assurer ainsi à son patron un retour en gloire dans « son fief » à la fin du travail gouvernemental. Très étonnant que l’existence d’une telle fonction ne suscite pas plus d’indignation que cela, alors même qu’elle s’affiche au grand jour sur les sites des ministères qui en font usage.   

C’est pourtant dire combien la concurrence électorale n’est en France ni libre ni non faussée. C’est dire aussi qu’il y a urgence à rendre plus démocratique un système permettant aujourd’hui à des responsables politiques de faire travailler, aux frais de la collectivité, des proches, ou simplement des obligés, à bien autre chose que l’intérêt général : simplement leur personne et leur carrière à eux.

Emploi fictif, népotisme assumé et même revendiqué, au mieux, justifications piteuses démontrant le peu de cas que certaines élites politiques font de l’intelligence des électeurs, mollesse des réactions en haut lieu manifestant une solidarité de classe : l’affaire Fillon est un petit concentré de la dérive oligarchique de notre démocratie. De manière plus fondamentale, elle est aussi, à l’examen, révélatrice de la manière dont la compétition électorale est gravement entravée par le fonctionnement même de nos institutions.

On a raison de considérer qu’un emploi fictif est un scandale. Raison également de vibrer d’indignation en voyant défiler depuis des jours sur nos écrans des responsables politiques pour expliquer qu’il n’est pas anormal d’engager, sur fonds publics, des membres de sa famille alors même que tant de femmes et d’hommes se plaignent de discrimination à l’embauche. Il y a pourtant plus grave encore : c’est qu’en l’absence de contrôle rigoureux de l’usage qui en est fait, de l’argent publique puisse servir à financer des postes ayant avant tout pour finalité la réélection et la promotion personnelle d’un élu.

C’est en effet ce que permet le statut d’assistant.e parlementaire depuis sa création en 1975. L’assistant.e est un.e salarié.e rattaché.e directement au député ou au sénateur « par un contrat de droit privé » (sic). Depuis 2002, les Parlementaires ont même obtenu que de l’opacité soit encore ajoutée à ce statut échappant déjà par construction au contrôle du Parlement en y ajoutant la possibilité de gérer directement le crédit de presque 10 000 euros par mois qui leur est alloué pour engager des gens à leur service. La puissance publique n’a donc guère de visibilité sur les activités réelles de ces assistant.es—ce que démontre bien l’affaire Fillon : si elle n’avait pas été lancée par une révélation sans doute venue de l’intérieur du cercle des proches de l’ancien Premier Ministre, nous aurions pu ne jamais savoir que l’épouse du Premier Ministre avait été assistante parlementaire.

Quand les choses sont honnêtement faites, l’assistant.e a certes d’abord pour fonction d’aider les élus dans leur tâche législative en tant qu’elle a trait à l’intérêt général. Il est fondamental que ceux-ci puissent disposer d’expertises leur permettant d’éclairer leurs prises de position dans les débats—c’est aussi, notons-le, la tâche des fonctionnaires des deux Assemblées, dont le niveau est excellent et la disponibilité très grande, quel que soit le parti de celle ou celui faisant appel à leurs services. Mais, échappant au contrôle de la puissance publique, l’assistant.e est également dévolu.e à la campagne permanente qu’un professionnel de la politique devra mener pour ses réélections successives—réélections qu’il doit souvent plus à son opiniâtreté à éliminer ses concurrents et à se constituer des clientèles locales qu’à ses qualités personnelles ou à sa défense acharnée du bien commun.

Une escouade de fidèles taillables et corvéables à merci, révocables d’un claquement de doigt, fréquemment trainés plus bas que terre, s’agite ainsi dans l’ombre. Souvent constituée de proches, de clients ou filles et fils de clients, de femmes et d’hommes prêts à tout pour servir leur Mentor, nombre d’entre eux aspirant à devenir eux-mêmes élus, cette troupe de mercenaires  est rémunérée par l’Etat, c’est-à-dire par nous tous, trop souvent simplement pour permettre à une personnalité politique d’occuper l’espace dans sa circo. Ces armées de soumis à rude épreuve—en attendant leur tour— transforment les fonctions politiques en bastion d’autant plus difficiles à prendre que les mandats accumulés par ce petit seigneur qu’est leur élu et Maître seront nombreux, démultipliant par-là les défenseurs de la place.      

Parallèlement, il existe même, au sein de certains cabinets ministériels, un poste méconnu du grand public: celui de conseiller aux « affaires réservées ». Sa fonction consiste à s’occuper des intérêts locaux et électoraux du ministre en son absence, alors même que toute fonction élective est occupée dans notre système en cas de vacance. Mais plus encore : chèrement payé là encore sur les deniers publics, il interviendra, depuis sa position désormais privilégiée de conseiller ministériel, pour aider les uns et les autres et assurer ainsi à son patron un retour en gloire dans « son fief » à la fin du travail gouvernemental. Très étonnant que l’existence d’une telle fonction ne suscite pas plus d’indignation que cela, alors même qu’elle s’affiche au grand jour sur les sites des ministères qui en font usage.   

C’est pourtant dire combien la concurrence électorale n’est en France ni libre ni non faussée. C’est dire aussi qu’il y a urgence à rendre plus démocratique un système permettant aujourd’hui à des responsables politiques de faire travailler, aux frais de la collectivité, des proches, ou simplement des obligés, à bien autre chose que l’intérêt général : simplement leur personne et leur carrière à eux.

Une tribune de Matthieu Niango publiée sur le site du Huffington Post le 1er février 2017.

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