Mardi 12 avril 2022, Marine Le Pen a annoncé vouloir réformer la Constitution pour créer une « Révolution référendaire », instaurer un dispositif de référendum d’initiative citoyenne (RIC) et le vote à la proportionnelle. Mais elle associe cette promesse d’ouverture à une fermeture nationaliste et ethniciste par la préférence nationale et l’interdiction de double-nationalité extra-européenne et à un cadre de débat et d’information public assombri, notamment par la privatisation de l’audiovisuel public.
Le retournement de Marine Le Pen en faveur de la démocratie directe place notre République à la croisée des chemins.
La démagogue d’extrême-droite l’a bien compris : le projet républicain est fondé, en France, sur la garantie de la souveraineté civique. Cette promesse républicaine est telle que la défendait Victor Hugo en 1850 : « je ne connais pas plus admirable formule de la paix publique, affirmait-il : Soyez tranquilles, vous êtes souverains ». Cette promesse républicaine, celle-là même qu’ont combattu inlassablement les pères du Rassemblement national et les proches de Marine Le Pen, est aujourd’hui lettre morte.
Marine Le Pen a raison d’affirmer que le RIC – mais quel dispositif de RIC ? – aurait surement permis de résoudre plus rapidement la crise des Gilets jaunes. Elle a raison d’affirmer que la démocratie directe peut être un outil de pacification des débats politiques et de la vie civile. Partout où l’initiative référendaire citoyenne a été instaurée, elle l’a été en temps de crise sociale et politique profonde. Partout où elle a été instaurée avec cohérence, elle a cependant permis de préserver et de renforcer le républicanisme, le parlementarisme et les droits fondamentaux. Les retours d’expérience sont anciens, connus et étudiés ; ils concernent des contextes différents et des ensembles démographiques de toutes tailles : la Suisse, l’Uruguay, Taïwan, la moitié des Etats-Unis d’Amérique…
Heureusement, l’extrême droite n’est pas, jusqu’à présent, le champion de la démocratie plus directe. Les Français l’appellent de leurs vœux dans les sondages d’opinion. Et la majorité des inscrits ne veut plus de la façon dont les pouvoirs publics sont institués, tous puissants, une fois tous les cinq ans : 12,8 millions de Français se sont abstenus dimanche, alors que près de 800 000 ont glissé un bulletin blanc ou nul. Sur l’ensemble des suffrages exprimés, 19 millions (55 %) désignent des candidates et candidats, dont les principaux à gauche, défendant l’instauration de diverses formes de RIC. La majorité des Français veut une démocratie plus directe pour notre République, et non une République anti-universaliste. Une République que l’on veut protectrice des droits fondamentaux et opposée à toute forme de discriminations.
Le référendum d’initiative citoyenne peut et doit s’inscrire dans une architecture institutionnelle républicaine, parlementaire et délibérative. Avec les perspectives d’émancipation citoyenne qu’il offre, cet outil pourrait poser le premier jalon d’une réconciliation avec des citoyens plus que jamais défiants envers leurs institutions et leur personnel politique. Il nous faut le penser, posément, au cours d’un moment constitutionnel construit, solennel et ouvert. Or, le RN a intégré cette promesse à un programme bancal qui coïncide mal avec sa pratique du pouvoir dans les collectivités locales : autoritarisme, clientélisme et incompétence. Son instrumentalisation au profit d’un parti dont le caractère anti-démocratique est largement documenté nous fait courir le risque qu’un tel référendum soit durablement associé à une expérience politique aliénante.
Notre République est à la croisée des chemins : elle doit refonder sa promesse de souveraineté républicaine. Marine Le Pen nous met collectivement au pied du mur : soit la souveraineté invocatoire, nationaliste et discriminatoire, soit la souveraineté civique mise en pratique, universaliste et égalitaire.
Il n’y a pas d’alternative durable entre ces deux voies. Pas de voie pour la continuation d’un présidentialisme tout puissant. Et la voie de la souveraineté selon Marine Le Pen promet les affres de la manipulation plébiscitaire et de l’autoritarisme.
Aussi, pour sauver la République, M. Macron, il faut vous soumettre à la volonté générale de refondation de la souveraineté civique.
Prenez-en acte et engagez-vous : faites le RIC.
A nous la démocratie !
Crédit photo : Ludovic Marin / AFP