Par un adhérent d’A nous la démocratie !

La principale idée innovante qui a émergé du mouvement des gilets jaunes est sans conteste le référendum d’initiative citoyenne (RIC), et plus généralement l’aspiration au renforcement du pouvoir des citoyens. Le président Macron et son gouvernement ont largement exprimé leur défiance à l’égard du RIC au nom de la stabilité et de la légitimité de la démocratie représentative. Dans leur sillage, les libéraux, qu’ils soient de droite, de gauche ou du centre, ont souvent exprimé leur crainte que le RIC n’ouvre une boîte de pandore réactionnaire, allant du rétablissement de la peine de mort à l’abolition du mariage pour tous. La liberté contre la démocratie ?

Passer à l’échelle européenne permet de relire ce débat sous un jour nouveau. Que voit-on ? En Pologne, en Hongrie, des gouvernements d’inspiration « illibérale » concentrent de plus de plus de pouvoir au sommet de l’Etat en éliminant systématiquement les contre-pouvoirs. Ils suscitent régulièrement des manifestations d’opposants, mais pas suffisamment pour menacer leur hégémonie, chaque jour plus forte. Face à ces évolutions, les libéraux européens se désolent. Pourquoi les citoyens laissent-ils faire ? Pourquoi cette passivité face aux libertés bafouées? On invoque la corruption, la manipulation électorale. Les mêmes libéraux regardent souvent avec un espoir naïf le moindre frémissement populaire en Russie ou en Chine, en espérant qu’un jour, la mobilisation sera suffisamment forte pour faire vaciller le pouvoir. Las, ce sont les régimes autoritaires qui chaque jour, gagnent un peu plus de terrain.

Or, voilà que dans un pays d’Europe occidentale, le peuple sort de son apathie. Il n’accepte plus avec fatalisme. Il sort dans la rue et exprime son mécontentement vis-à-vis de son gouvernement. Mieux : il ne se contente pas de protester mais avance une solution. Quelle solution ? Tout le pouvoir à un homme providentiel ? A un parti ? Non, la démocratie directe. Le référendum comme contre-pouvoir permanent aux mains, non de quelques corps intermédiaires, mais de tous les citoyens. Le contrôle des gouvernants poussé au bout de sa logique. L’institutionnalisation de cette saine mise en garde aux puissants : le pouvoir que les citoyens t’ont confié, ils peuvent te le reprendre ; ce que tu fais, ils peuvent le défaire.

C’est ici que saute aux yeux l’erreur des libéraux. Le RIC, ils ne devraient pas s’en méfier. Ils devraient l’embrasser. Menace pour les libertés ? Si une majorité souhaite effectivement des lois liberticides, il se trouvera de toute façon toujours des élus opportunistes pour flatter ses bas instincts. La grande force du RIC, c’est son caractère décentralisé. Il ne donne pas le pouvoir à une majorité exprimée à un temps t, mais aux multiples majorités qui pourront s’agréger demain autour d’idées et de pétitions d’origines diverses, sans que ces majorités se recoupent nécessairement entre elles. Au lieu d’avoir à se ranger une fois pour toutes dans la majorité ou l’opposition, suivant la logique parlementaire, chaque citoyen pourra être majoritaire sur un sujet, minoritaire sur un autre. La tyrannie de la majorité succombant face au pluralisme des majorités. Le vieux rêve libéral d’un pouvoir équilibré enfin réalisé, non pas contre mais par la démocratie.

Les jours qui ont suivi le coup d’Etat de Louis Bonaparte du 2 décembre 1851, les députés cherchèrent à organiser la résistance et la défense de la République. Au faubourg Saint-Antoine, ils tombèrent des nues en se heurtant à l’apathie et à la résignation. Même les élus monarchistes en vinrent à regretter le temps des barricades qui faisaient trembler le pouvoir.

Que les libéraux d’aujourd’hui prennent garde à ne pas se retrouver dans la même situation. Le jour où une majorité de circonstance aura porté au pouvoir Marine Le Pen, les mêmes libéraux qui critiquent aujourd’hui le RIC regretteront peut-être amèrement d’avoir parlé trop vite. Tout compte fait, la possibilité de destituer un élu qui va trop loin, d’abroger une loi liberticide, de faire passer une initiative citoyenne allant à l’encontre de l’idéologie au pouvoir, cela n’aurait pas été si mauvais…

Peut-être même que certains iront roder le samedi après-midi sur les ronds-points avec le secret espoir d’y apercevoir quelques taches jaunes, et rentreront chez eux, déçus et maugréant, comme les députés de 1851 : mais pourquoi le Peuple ne bouge-t-il pas ?

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