Alors qu’en France, le Rassemblement National a bien failli s’emparer du pouvoir, en Italie le gouvernement de Georgia Meloni entend réformer en profondeur la Constitution afin de renforcer considérablement le rôle du pouvoir exécutif.
Bien que non expert en droit constitutionnel, la ressemblance avec la Vème République Française me parait confondante :
- élection au suffrage universel du chef de l’exécutif afin d’en faire le véritable récipiendaire du pouvoir
- Prime à la majorité : toutes les assemblées françaises, qu’elles soient nationales ou locales, sont élues selon des modalités de suffrage visant explicitement à augmenter fortement le nombre de sièges offerts à la majorité bien au-delà de la simple règle de la proportionnalité
- Assujettissement du pouvoir judiciaire : les règles de nomination des juges et surtout procureurs, la réduction à portion congrue du rôle des juges d’instruction, mais aussi de celui des citoyens jurés conduisent à douter de l’indépendance de la justice en France, tandis que cela semble être le cas jusqu’à maintenant en Italie.
En outre, je constate que Georgia Meloni a bien entamé son travail de mise au pas de l’audiovisuel public, volonté partagée par le RN.
Qu’est qui protège l’indépendance du service public en France ? Pas grand-chose.
Reconnaissons-le enfin : la Vème République manque singulièrement de contre pouvoirs. La qualification de monarchie présidentielle n’est pas volée.
Pourtant on trouve encore des thuriféraires de la Vème République. Ainsi François Bayrou ne s’inquiète pas outre mesure d’une cohabitation avec le RN.
Écoutons-le :
« Les institutions résisteront car elles résistent depuis 75 ans (…) il (De Gaulle) a, en isolant le Parlement de la figure du président de la République, en donnant au Président des droits qui fassent que ça puisse marcher même quand les partis se déchirent… il a donné un socle qui nous permet de regarder l’avenir sans crainte
Alors oui certes, une majorité RN ne disposerait pas du pouvoir référendaire, nucléaire et aurait un pouvoir de nomination circonscrit. Soit, mais ensuite, quel contre-pouvoir serait véritablement en mesure de contrer leur politique xénophobe, autoritaire et leur volonté de mise au pas des médias et de l’éducation nationale. Je n’en vois pas.
Mais si je suis le raisonnement de François Bayrou qui consiste à dire, pas d’inquiétude tant que le Président est de notre camp. Admettons qu’il ait raison (alors qu’il a tort, une majorité d’extrême droite serait une catastrophe), mais demain ?
Qu’adviendra-t-il si le RN gagne les élections présidentielles et législatives en 2027 ?
Ils jouiront d’une capacité d’action presque sans entraves pour dérouler leur programme centré sur l’exclusion de tout ce qui ne leur ressemble pas et leur résiste.
Et c’est la colère qui me gagne devant cette absence complète de démocratisation de nos institutions depuis les mandats Mitterrand jusqu’à aujourd’hui.
Ceux-là même qui dénonçaient l’excès de concentration du pouvoir n’ont rien fait pour y remédier.
Où sont les contre-pouvoirs forts et indépendants ? Ni au Parlement, ni à la Justice, ni dans les collectivités territoriales d’un pays toujours très centralisé.
Et enfin : quelle place pour le citoyen dans la prise de décision ?
En Suisse et aux USA, ce dernier peut user de la votation citoyenne (proche du fameux RIC)
En Allemagne, les salariés disposent de larges pouvoirs en entreprise.
En Irlande, les conventions citoyennes ont permis d’obtenir de nouveaux droits que l’élite politique était bien incapable de mettre en place.
En France ? Toujours rien.
Emmanuel BONIN
Membre d’A nous la démocratie
